Lettre
d'adieu de Jean-Marie LE GALLAIS écrite de la maison d'arrêt de Fresnes dans la Seine
Jean-Marie LE GALLAIS
LE GALLAIS Jean-Marie, Joseph, Henri
Né le 20 mars 1903 à Évran (Côtes-du-Nord, Côtes d'Armor), fusillé le 15 juin 1944 dans la région parisienne, artisan menuisier.
Paris - Fresnes le 15-6-44
Ma chère Marcelle chérie et mon
Cher
petit Lucien,
Je viens ma chère Marcelle te dire adieu.
Cet
après-midi à 3 heures je ne serai plus.
Tu dois savoir comment
en ce moment je pense à toi et à Lucien et à toute la famille,
mais que veux-tu il faut se résigner. J'ai été condamné
à mort le jour de tes 41 ans le 31 mai.
Tu n'oubliera pas Boatel
et Masson je l'espère.
Je souhaite ma chère Marcelle que
tu garderas un bon souvenir de moi, tu sais comme je t'aimais, si un jour tu peux
me ramener dans la tombe de mes parents fais le.
Ma chérie, je
voudrais que tu me promettes de donner 10 000 frs à Marie et à Papa
et 10 000 frs à Henri et Rosalie. Toi de ton côté tu peux
te faire donner au moins 100 000 frs par Louis Nicolas minotier à Saint-Maden,
autrement fais ce que l'homme à Maria Renault a fait pour moi. Vois pour
les deux assurances, peut-être que tu pourras les toucher, fais pour le
mieux.
Ma chérie tu pourras refaire ta vie mais fais attention
si tu te remaries, prends un bon garçon travailleur et qui a de la religion,
fais bien attention que ce n'est pas un homme qui cherche simplement son intérêt.
Pour Lucien tâche de faire de lui un brave homme et ne sois pas trop faible
envers lui. Tu diras aux parents de Saint-Brieuc comme j'ai bien pensé
à eux avant de mourir, mais je ne peux leur écrire. Donnes tout
mon outillage à Henri, conserve une scie, des marteaux et des tenailles.
Tu sais que Joseph Guérin te doit 7 500 frs. Tu diras bien des choses pour moi
aux amis; n'oublies pas E. Guerneron.
Je suis avec Briend du Guildo et cinq
camarades de Plouagat près de Châtelaudren (1).
Je termine ma
chérie en t'embrassant bien fort et en te souhaitant une bonne et longue
vie.
Ton petit Jean qui t'a tant aimé.
Il faudra me faire
dire une messe d'enterrement et un service et prévenir tous mes amis, n'oublies
pas Champalaune.
Adieu fais mettre une petite plaque avec mon nom sur la
tombe de mes parents.
L'aumônier va écrire au curé.
Bons
baisers.
(1) : Jean-Baptiste Morvan, Albert Portron, Gilbert Le Taillandier, René Thouément et Hyacinthe Tilly, qui seront fusillés le 15 juin 1944 au Ministère de la Défense direction générale des armées 2, bis
avenue de la Porte de Sèvres en Paris 15e